Tous les matins, je la guette.
Quand elle n'est pas là, je m'inquiète.
J'ai peur qu'il ne lui soit arrivé quelque chose de fâcheu.

Mais soudain, je la vois,
Cachée sous une traverse d'acier ou dans un creux du béton.
Elle est là, alerte et discrete.
Presque toujours présente pour notre rendez-vous impovisé.
C'est petite souris grise qui vie sur la voie 44 gare du Nord à la hauteur de la deuxième voiture de tête.

Chaque matin, j'observe son ballet.
Elle court d'un recoin à l'autre, se cache et survie.
J'aime la regarder.
C'est mon petit moment priviliègié dans mon trajet quotidien et ensommeillé.

Sans trop savoir comment, des sentiments sont nés en moi pour ce petit rongeur.
J'ai envie de la connaitre mieux.
Je suis curieux de savoir ce qu'est sont existance.
Je ne m'arrete pas sur son apparence grise et sale.
Je ne peux m'empécher de la trouver très sympathique.
Sa fragilité m'émeut

Nous nous croisons tous les jours, mais nous ne pouvons nous rencontrer.
Je ne vais quand même pas sauter sur la voie pour la rejoindre.
Tant pis, je devrais me satisfaire de cette sympathie virtuelle.
N'avoir de relation qu'a distance, qu'effleurées.
Apprécier les gens en les ayant observé, presque à la dérobée,
Mais jamais les rencontrer
un peu comme ici

Les timides par Jacques Brel (paroles et musique) 1964

Les timides
Ça se tortille
Ça s'entortille
Ça sautille
Ça se met en vrille
Ça se recroqueville
Ça rêve d'être un lapin
Peu importe
D'où ils sortent
Mes feuilles mortes
Quand le vent les porte
Devant nos portes
On dirait qu'ils portent
Une valise dans chaque main

Les timides
Suivent l'ombre
L'ombre sombre de leur ombre
Seule la pénombre
Sait le nombre
De leurs pudeurs de Levantin
Ils se plissent
Ils palissent
Ils jaunissent
Ils rosisent
Ils rougissent
S'écrevissent
Une valise dans chaque main

Mais les timides
Un soir d'audace
Devant leur glace
Rêvant d'espace
Mettent leur cuirasse
Et alors place
Allons Paris
Tiens-toi bien
Et vive la gare
Saint-Lazare
Mais on s'égare
On sépare
On s'désempare
Et on repart
Une valise dans chaque main

Les timides
Quand ils chavirent
Pour une Elvire
Ont des soupirs
Ont des désirs
Qu'ils désirent dire
Mais ils n'osent pas bien
Et leur maîtresse
Plus prêtresse
En ivresse
Qu'en tendresse
Un soir les laissent
Du bout des fesses
Une valise dans chaque main

Les timides
Alors vieillissent
Alors finissent
Se rapetissent
Quand ils glissent
Dans les abysses
Je veux dire
Quand ils meurent
N'osent rien dire
Rien maudire
N'osent frémir
N'osent sourire
Juste un soupir
Et ils meurent
Une valise sur le cœur